Maman se réveillait tous les matins pour nous préparer un des mets
délicieux de sa cuisine lorsqu'on était enfants, mes frères et moi. Ce mets
constituait en lui seul, un petit-déjeuner et un produit qu’elle vendait pour
payer nos études. Et Papa ? Quelle était donc sa part de responsabilité ? sûrement vous vous posez la question! Mon père avait payé la dette à la nature depuis longtemps et se reposait auprès de nos ancêtres. L'aliment que maman nous préparait, avait un nom unique et ne pouvait, en aucune langue, se traduire. Étrange n'est-ce pas ? Cette appellation n’existe que dans notre culture : le kikanda. Le kikanda que nous faisait maman relevait de sa tribu ; elle était musanga1, née à Bunkeya, la capitale du royaume de M’siri. Les Basanga sont un peuple du Katanga, au sud de la RDC, ils sont les peuples qui constituent le royaume de M’siri, le grand Mwenda wa Bayeke, un roi important et puissant qui avait résisté aux envahisseurs blancs durant 25 ans. Ce fut l’un des royaumes les plus puissants du Katanga et ma mère a toujours été fière de s’appelait "fille de Ngelengwa M’siri," le roi qui résista face à la colonisation occidentale. On avait l’habitude de trouver ce mets sur la table quand nous avions déjà porté nos uniformes et étions prêts à partir à l’école. Je posai un bon matin cette question à ma mère : « Maman, comment prépares-tu le kikanda ? » Elle souriait en me disant : -« C’est ma mère
qui m’a appris à le préparer. C’est fait à base de graines de kikanda2,
d’arachides, d’oignons, de piments et de nos épices de tous les jours ;
il est malaxé pour en faire une pâte compacte. C’est un mélange progressif
mon fils ; 1h30’ de cuisson et le tour est joué ! »3 Je continuai à l’embêter avec mes questions d’enfants : « Comment des
feuilles peuvent faire une viande ? Le kikanda, est-ce un
animal ? » -« Non, mon
fils. C’est ce que ça parait être mais en vrai, c’est fait à base de feuilles
qui doivent leur nom à kikanda. Chez nous, les feuilles peuvent faire une
viande, et cette viande on l’appelle le kikanda. » Ce jour-là, j’étais très content d’apprendre que le kikanda était fruit de la culture basanga6, une fierté culinaire katangaise et que ma mère était cordon bleu si pas cheffe cuisinière. Quand mes souvenirs remontent encore plus haut, je me souviens que chez nous, le kimbala7 n’était pas jeté à la poubelle comme chez les autres. Ça servait à quelque chose. Maman prenait ce foufou pour en faire un autre délice de sa culture, le munkoyo, un tisane au goût unique. Une tisane
traditionnelle qui berçait nos ventres chaque matin et chaque soir. On le
faisait à base de la bouillie de maïs, de mijiji ya munkoyo8,
ceci produisait une bière alcoolisée et ayant un petit goût sucré9. Le kikanda et le munkoyo constituaient notre repas à la récréation. On vivait bien, très bien même à cette époque et on ne s’en plaignait pas car on mangeait bio! Pourtant, aujourd'hui , nos enfants considèrent ces mets propres aux villageois et préfèrent le hamburger à la place du kikanda. Nos enfants préfèrent du sucré rempli de produits chimiques à la place de notre munkoyo. Aujourd’hui maman est morte, qui peut bien nous faire du kikanda et du munkoyo ? Et je regrette de ne pas avoir appris à le faire auprès de maman quand elle était en vie, comment l'apprendre je encore aux autres générations enfin que ce mets ne vire pas aux oubliettes ? 7.Rogaton du foufou
« Photo KasaiDRC (Facebook) »
« Photo Zambian Kitchen »
1698574131.Eleza_masolo_new_20 (2).jpg
Recevez tous les derniers Articles livrés à votre e-mail à temps réél .
Joshua Desvers vautour
Un très bel article, dangereux pour des gens sensibles comme nous, ça nous incite à goûter au truc. Où est-ce que je peux le trouver à Kinshasa ?