KIKANDA ET MUNKOYO, la magie de la cuisine katangaise

               Maman se réveillait tous les matins pour nous préparer un des mets délicieux de sa cuisine lorsqu'on était enfants, mes frères et moi. Ce mets constituait en lui seul, un petit-déjeuner et un produit qu’elle vendait pour payer nos études.                                                                                                                                   Et Papa ? Quelle était donc sa part de responsabilité ? sûrement vous vous posez la question! Mon père avait payé la dette à la nature depuis longtemps et se reposait auprès de nos ancêtres.

L'aliment que maman nous préparait, avait un nom unique et ne pouvait, en aucune langue, se traduire. Étrange n'est-ce pas ? Cette appellation n’existe que dans notre culture : le kikanda. Le kikanda que nous faisait maman relevait de sa tribu ; elle était musanga1, née à Bunkeya, la capitale du royaume de M’siri. Les Basanga sont un peuple du Katanga, au sud de la RDC, ils sont les peuples qui constituent le royaume de M’siri, le grand Mwenda wa Bayeke, un roi important et puissant qui avait résisté aux envahisseurs blancs durant 25 ans.

Ce fut l’un des royaumes les plus puissants du Katanga et ma mère a toujours été fière de s’appelait "fille de Ngelengwa M’siri," le roi qui résista face à la colonisation occidentale.


« Photo KasaiDRC (Facebook) »

On avait l’habitude de trouver ce mets sur la table quand nous avions déjà porté nos uniformes et étions prêts à partir à l’école. Je posai un bon matin cette question à ma mère : « Maman, comment prépares-tu le kikanda ? »

Elle souriait en me disant : 

-« C’est ma mère qui m’a appris à le préparer. C’est fait à base de graines de kikanda2, d’arachides, d’oignons, de piments et de nos épices de tous les jours ; il est malaxé pour en faire une pâte compacte. C’est un mélange progressif mon fils ; 1h30’ de cuisson et le tour est joué ! »3 


« Graines  ya kikanda, Yvette Kyalika (Facebook, postée le 16 décembre 2017)

Je continuai à l’embêter avec mes questions d’enfants : « Comment des feuilles peuvent faire une viande ? Le kikanda, est-ce un animal ? »

-« Non, mon fils. C’est ce que ça parait être mais en vrai, c’est fait à base de feuilles qui doivent leur nom à kikanda. Chez nous, les feuilles peuvent faire une viande, et cette viande on l’appelle le kikanda. »

Oust, il était tard, je ne devais plus embrouiller maman avec mes questions. Je trottinais les pas pour rejoindre mes frères qui m’avaient déjà devancé. Je lançais « Hakuna matata4  » quand ma mère me demandait de prendre soin de moi.
Elle vendait le kikanda au soleil, au vent et à la pluie et ne se fatiguait de s’arrêter à l’appel d’un client. Elle n’avait pas honte qu’on lui colle ‘’‘’Mama wa kikanda’’5  sur le front. C’était ça qui nourrissait ses enfants que nous étions.

Ce jour-là, j’étais très content d’apprendre que le kikanda était fruit de la culture basanga6, une fierté culinaire katangaise et que ma mère était cordon bleu si pas cheffe cuisinière.

Quand mes souvenirs remontent encore plus haut, je me souviens que chez nous, le kimbala7 n’était pas jeté à la poubelle comme chez les autres. Ça servait à quelque chose. Maman prenait ce foufou pour en faire un autre délice de sa culture, le munkoyo, un tisane au goût unique


« Photo Zambian Kitchen »

Une tisane traditionnelle qui berçait nos ventres chaque matin et chaque soir. On le faisait à base de la bouillie de maïs, de mijiji ya munkoyo8, ceci produisait une bière alcoolisée et ayant un petit goût sucré9


« Mijiji ya munkoyo, photo Wikipédia »

Le kikanda et le munkoyo constituaient notre repas à la récréation. On vivait bien, très bien même à cette époque et on ne s’en plaignait pas car on mangeait bio! Pourtant, aujourd'hui , nos enfants considèrent ces mets propres aux villageois et préfèrent le hamburger à la place du kikanda.

Nos enfants préfèrent du sucré rempli de produits chimiques à la place de notre munkoyo. Aujourd’hui maman est morte, qui peut bien nous faire du kikanda et du munkoyo ? Et je regrette de ne pas avoir appris à le faire auprès de maman quand elle était en vie, comment l'apprendre je encore aux autres générations enfin que ce mets ne vire pas aux oubliettes ? 


Texte écrit par Daniel KALOMBO II
*******
Sources et significations de mots
 1.Peuple sanga, peuple du Katanga, avec le préfixe mu- (singulier).
2.En swahili, graines de kikanda.
 3.www.kwetumagazine.net, article : « Quand le kikanda est présenté sous une tout autre forme par Arcel Kabeya » posté le 21 juillet 2021 ( https://kwetumagazine.net/quand-le-kikanda-est-presente-sous -une-tout-autre-forme-par-arcel-kabeya/ )
4.En swahili : pas de problème
5.En swahili : vendeuse de kikanda
6.Ibidem note 1 avec le préfixe ba- (pluriel).

7.Rogaton du foufou

8.En swahili : racines de munkoyo
9.https://www.wikipedia.fr/munkoyo/

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29-Octobre-2023

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COMMENTAIRE(S)
  1. Eleza Masolo
      
    29/10/2023 16:58
    Joshua Desvers vautour

    Un très bel article, dangereux pour des gens sensibles comme nous, ça nous incite à goûter au truc. Où est-ce que je peux le trouver à Kinshasa ?

    Eleza Masolo
      
    29/10/2023 17:52
    Georges KALASSA

    Vraiment pour un sanga comme moi c'est un appel au origine Merci Divin poète

    Eleza Masolo
      
    29/10/2023 21:54
    Daniel Kalombo

    Bel article. Kalombo II

    Eleza Masolo
      
    29/10/2023 21:54
    Daniel Kalombo

    Bel article. Kalombo II

    Eleza Masolo
      
    31/10/2023 08:54
    KAKEL

    Bel article plein d'inspiration sur l'intérêt de nos ressources..

    Eleza Masolo
      
    02/11/2023 12:29
    DK

    Merci pour l'article. Vous m'avez fait replonger dans mon enfance à Lubumbashi. Courage ! Il est important de préserver nos valeurs et notre culture.

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