MUMBUNDA ( la cheminée)


Matin et soir,   les sirènes réglementaient la vie de Lubumbashi. Vite, c'est l’heure!  Tout commençait , c'était l'heure du travail ! Et à la fin de chaque journée, ce même son nous disait : Allez, retournez chez vous, C'est la Fin!  

La ville avait fini par marcher à son rythme.  

En 1912, quand les camps des premiers ouvriers de l’Union minière du Katanga s’installèrent, un autre train de vie se prononça de si tôt.  J'aurai  pris goût et éclos de cette vie si seulement j'étais à l'âge de travailler durant cette période. Hélas,  je n’étais pas encore née. Je ne suis pas de cette époque minière, mais de celle  de la grande montagne silencieuse noire. 

Je sens la curiosité remonter ton esprit: Mais que peut bien être cette grande montagne silencieuse noire? 


Si par le traître de hasard tu n'es jamais venu à Lubumbashi et qu'un jour la vie te ramène vers ma ville, la capitale économique de la RDC, alors tu verras la montagne silencieuse noire.

Cette montagne immense, tu pourras l'apercevoir au loin quand tu es au centre ville de Lubumbashi, elle sera ton premier hôte et te transformera en songi songi(curieux en Lingala).

- Qu'est-ce que cette montagne ? Quels sont ces larges tuyaux?  Tu demanderas ainsi aux Lushois.

- C’est Mumbunda Gécamines.

- C’est quoi ça  Mumbunda?

L'hospitalité et sens de partage de savoir que m'ont transmis mes ancêtres me poussera à ainsi te répondre :

Matin et soir, de loin, nous entendions des sirènes chanter, des trains siffler .  Et tout ce que nous savions,  ces  trains transportaient divers produits vers divers lieux. 

Laissez moi vous raconter notre  histoire, mais tout d'abord , avant d'embarquer dans ce magnifique récit, laissez-moi vous souhaiter la Bienvenue : Karibu!

Au Grand Katanga, chez nous,  il fut une époque belle ou désolante, selon que nos grands-parents nous le relataient,  tous les matins étaient rythmés par la cadence des bottes et des chapeaux. "Gécamines", c'est ce qui était écrit derrière les gilets fluorescents de nos parents.

La vie était bien plus heureuse et  remplie de biens en abondance. Gécamines , Njo baba,  Gécamines, Njo mama,

Répétaient- ils fièrement encore et encore chaque soir dans leurs foyers.

Ah c'est vrai, il faut que je vous traduise ces phrases élogieuses, vous ne parlez  sûrement pas swahili :

Gécamines est notre père

Gécamines est notre mère 

Mais les éloges ne pouvaient guère s'arrêter là, certainement pas! Alors des oncles en  rajoutaient: 

Nos enfants allaient à l'école avec un lendemain assuré. Ils voyaient  une montagne se former. 

Oui de loin, cette montagne grandissait. C'était notre vécu, notre passé, notre présent, c'était notre espoir. 

A chaque chant de sirène, toute la ville était en haleine, tous les cœurs  palpitaient. Grandir dans cette ville était bien une bénédiction du tout puissant, Lubumbashi Wantanshi…

Lubumbashi a  fait naître cette montagne de scorie noir que l'on connaît aujourd'hui, Mumbunda. Cette grosse cheminée que vous verrez sûrement lors de votre passage, c’est le conduit de la fumée que dégageait leurs mélanges chimiques. Et oui, ils nageaient dans l’opulence de la pollution de l'atmosphère et du dur labeur dont les fruits possédaient des tons aux couleurs bien plus sucrées que ceux de la cheminée.

Et puis un jour, un silence permanent s’installa. Le silence qui avala les bruits de sirène et des trains. C'est le début d'une nouvelle ère!

D’un air au regard triste vers la montagne de scories , des jérémiades, des nostalgies naquirent. 

Mumbunda, le charme de ton nom se trouve dans ton éclat. 

Ta naissance inaperçue, ta vieillesse imposante, un inoubliable récit.

Riche montagne et Source d'une histoire d'abondance d'autres fois. 

Dans ses dires,  Fontaine avait raison de prédire  qu'à force d'accoucher, tu accoucha d'un rat. 

Ombre seras-tu aux yeux de  petits enfants de cette génération et des générations futures   

Heureux sommes nous, qui avions vécu et succombé à ton charme.

Certains n'ont entendu que des échos.    Les mots que leurs parents leur ont dit se sont transformés en maux.

Certains ne se remettront jamais de ton silence et donc ils songent, 

Ils désirent  demeurer dans les rêves, vivre dans les souvenirs,

Pourtant ces rêves ne sont plus que des cauchemars vivants.

Tu n'es qu'une histoire , une époque révolue. 

Tu n'es ni présent, ni futur mais passé et encore passé, un très lointain douloureux passé 

Depuis le jour où tu décidas de ne plus être qu'une montagne de scorie stérile. 

"Mumbunda la cheminée de Gécamines la générale des carrières et des mines, je t'appelle." 

Peut-être le dire ainsi, peindra le gigantesque portrait de ce que tu fus auprès de nos enfants.

Autrefois, nous n'avions que toi,


Adieu!

Voilà! Vous l'aurez compris, cette montagne que vous verrez au centre ville de Lushi,  n'est plus que résidus de l’exploitation de nos grands-parents et parents.

Et cette grosse cheminée noirâtre que tu verras aussi, c’est elle que l’on appelle "Mumbunda", désormais tu ne l'appellerai que comme tel.

Lorsque nos grands-mères et mères allumaient le feu, elles se fabriquaient en hommage, une mini Mumbunda des braises, en acier. Cette mini Mumbunda était extraordinaire et très utilitaire; elle avait le don de ranger la fumée selon un certain ordre et d'attiser le feu qui brûlait de plus beau. Cela rendait toute la famille joyeuse, la nourriture n'allait plus tarder à cuire et le repas enfin tant attendu sera bientôt sur la table.

Mumbunda Gécamines, quant à elle,  sa fumée dégagée, annonçait le retour de nos grands-parents et parents avec des mains remplis  de sacs de farine, des boites de lait, et du pain …

Aujourd’hui, Mumbunda Gécamines n'est que  ruine et l'ombre d'elle-même 

Petit disclaimer , la cheminée est  représentée sur le billet de 100 Franc congolais. Elle symbolise Lubumbashi, elle était son cœur.  

C’était donc ça Mumbunda !  

Je vous en parle avec  des larmes aux  yeux: “ j'aurais voulu naître en cette époque et voir la fumée sortir de cette énorme cheminée.”

Peut être qu'un voyage dans le passé pansera nos plaies et séchera mes larmes.


***

Source:



1. De Lame Danielle, Dibwe Dia Mwembu Donatien, Tout passe: Instantanés populaires et traces du passé à Lubumbashi, Harmattan, Paris, 2005.

2. https://www.gecamines.cd/histoire.html

3. https://journals.openedition.org/etudesafricaines/15148

4. Image 1

5. Image 2


29-septembre-2023

Partage :
COMMENTAIRE(S)
  1. Eleza Masolo
      
    10/10/2023 16:29
    ashley Kiavo

    J'aurai voulu voyager à travers le temps pour découvrir cette époque. Je vous remercie énormement pour cette histoire

Laisser un commentaire

Soucrire à la newsletter

Recevez tous les derniers Articles livrés à votre e-mail à temps réél .

18